p. 46, chapitre 4,
« Vaness »
Le temps d’une respiration et le décor autour de moi changea. Le temps d’un battement de cils et j’avais quitté la chambre de Rémi pour me retrouver dans un lieu qui me laissait sans voix. Je n’étais pas morte, du moins je ne le croyais pas. Je n’étais pas non plus victime d’un malaise, je n’en avais pas les symptômes, pourtant ce que je voyais me faisait penser à une possible vision du paradis. Il y avait devant moi un noble et robuste arbre auréolé de milliers de pierres scintillantes. La forme de son tronc et la courbure de ses branches me rappelaient ceux du Salix, pourtant son feuillage en piège à rêves m’était tout à fait inconnu. Je mirai le déplacement poétique des sphères qui me rappelait le mouvement des électrons. La lumière de l’arbre, pareille à un soleil couchant à l’horizon au-dessus de l’eau, m’apaisait totalement. Toutes les questions scientifiques qui saturaient habituellement mon esprit laissaient place à la quiétude et au silence. Je m’étonnais de mon calme olympien face à cette situation où toutes les données qui me parvenaient bousculaient mes croyances scientifiques.
— Alors ça, c’est incroyable ! s’exclama Erwan en pointant le pouce vers le haut.
— C’est clair. Pincez-moi, je rêve, dit Éva abasourdie. Aïe ! Erwan, qu’est-ce que tu fais ?
— Tu as dit « pincez-moi ».
Erwan y était manifestement allé de tout son cœur.
— C’est une expression, imbécile !
Nul doute qu’il n’allait pas se faire prier devant une si belle occasion.
— Mais où sommes-nous ? questionnai-je enfin, avide de réponses.
Rémi commença alors le récit de ses aventures, depuis sa visite à la papeterie jusqu’à l’instant présent. Éva et moi écoutions attentivement chacune de ses paroles, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qu’était devenue la marque en forme de piège à rêves que j’avais vu apparaître sur la main de Rémi au moment où il tenait l’oreiller. Erwan, impatient comme à son habitude, ne restait pas en place et commençait déjà à faire le tour des lieux.